La communauté gériatrique s’interroge sur la place des soins médicaux dans les Ehpad
La communauté gériatrique s’interroge sur la place des soins médicaux dans les Ehpad
La crise du Covid-19 pose la question de la médicalisation des Ehpad. La communauté des gériatres au regard de la
gestion de l’épidémie par les établissements médico-sociaux estime que le dispositif actuel a échoué.
Le Conseil national professionnel (CNP) de gériatrie, la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le Collège
national des enseignants en gériatrie (Cneg) alertent par communiqué du 5 mai sur la gravité de la situation en Ehpad. Ce
même jour, dans son bilan quotidien, la Direction générale de la santé (DGS) indiquait que depuis le 1 mars, 25 531 décès
sont à déplorer dont 16 060 dans les hôpitaux et 9 471 dans les établissements médico-sociaux. De leur côté, les gériatres
rapportent qu’au 27 avril plus de 47% des 7 509 Ehpad français ont signalé au moins un cas d’infection au Sars-Cov-2.
Un modèle inadapté à la crise
“Un des premiers constats majeurs de cette crise est sans doute que le modèle français des Ehpad est défaillant et inadapté à faire face à des enjeux sanitaires de cette ampleur”, déplorent le CNP, la SFGG et le Cneg. Ils ajoutent que “la surmortalité observée en Ehpad n’est une surprise pour personne et la communauté de gériatres et des médecins coordonnateurs d’Ehpad se doit de lancer l’alerte : pour des raisons éthiques, il nous est difficile de ne pas attirer l’attention sur les fragilités et l’inefficience d’un modèle qui n’est plus adapté pour répondre aux enjeux de la transition démographique et épidémiologique”.
Se basant sur le fait que les résidents d’Ehpad cumulent en moyenne huit pathologies, ils considèrent que ces établissements sont “des petits hôpitaux qui ne disent pas leur nom [et] sans les ressources humaines et les moyens logistiques des hôpitaux”, d’où leurs difficultés.
Un manque de personnel soignant
La crise Covid-19 a confirmé que “les Ehpad n’ont pas la capacité de s’adapter aux problématiques des personnes
dépendantes”. Des équipes de gériatres sur certains territoires ont mis en place des dispositifs pour pallier les faiblesses de ces structures médico-sociales. Mais les efforts fournis ne semblent pas avoir suffi. Les gériatres rapportent que “les résidents continuent à mourir par centaines et les Ehpad sont souvent impuissants à faire reculer la transmission du Covid-19 aux résidents lorsque celui-ci entre dans les établissements. Les taux de contaminations sont très importants dans de nombreux Ehpad.”
Ils estiment aussi que le manque de personnel soignant en Ehpad est délétère et pourrait en partie expliquer les
contaminations Covid-19 en nombre dans certaines résidences.
Ils prennent pour illustrer leur point de vue l’exemple d’une aide-soignante qui doit réaliser plus de dix toilettes par jour et soulignent que dans ces conditions il est impossible à cette professionnelle d’appliquer parfaitement les mesures barrières.
Redéfinir la dimension médicale
Interrogé par Hospimedia, le Pr Claude Jeandel, président du CNP de gériatrie, considère qu’il est temps de revoir le modèle des Ehpad tout particulièrement dans leur dimension médicale pour vraiment répondre aux différents besoins de dépendance et de soins de plus en plus aiguës des résidents.
Le regroupement des établissements médico-sociaux publics suggéré par la FHF à l’image des groupements hospitaliers de territoire (lire notre article) ne réglera pas la problématique de l’organisation médicale.
Claude Jeandel se défend de vouloir remettre en cause complètement les Ehpad. Au contraire, il souhaite que leurs missions soient redéfinies au regard de l’évolution de l’état de santé des résidents et que la dimension médicale ne soit pas oubliée. Il rappelle qu’environ 20% des Ehpad ont déjà créé des pôles d’activités et de soins adaptés (Pasa) mais cela n’est qu’un premier pas à conforter pour donner toutes leurs chances aux résidents. Dans une note, dont Hospimedia a eu copie, il écrit qu’il “devient urgent de donner à l’Ehpad les moyens utiles et nécessaires afin de lui permettre d’assurer une prise en soins digne des situations médicales auxquelles il est confronté”. Dans le même temps, il affirme que “projet de vie et projets de soins, qui s’imposent au secteur médico-social, doivent naturellement demeurer indissociables comme ils le sont en soins de longue durée”. Si plusieurs scénarios peuvent être envisagés pour Claude Jeandel, ceux qui seront retenus doivent garantir aux âgés un accompagnement personnalisé et des soins de qualité. Le secteur ne fera pas non plus l’économie d’une redéfinition de ses métiers pour les rendre plus attractifs.
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